De Georges à Antonin, Bernanos reste anarchiste

Publié le par richard.giraud

Antonin Bernanos, ce jeune homme qui vient d’être condamné dans l’affaire de la voiture de police incendiée, quai de Valmy, à Paris, est l'arrière-petit-fils de l'écrivain Georges Bernanos. Retrouver un Bernanos parmi les anarchistes n'est un paradoxe qu'en apparence...

De Georges à Antonin, Bernanos reste anarchiste
Georges Bernanos (1888 – 1948) Crédits : ANN RONAN PICTURE LIBRARY - AFP

Je voudrais parler d’Antonin Bernanos, ce jeune homme qui vient d’être condamné dans l’affaire de la voiture de police incendiée, quai de Valmy, à Paris. Cinq ans de prison dont deux avec sursis, la peine est lourde pour Antonin Bernanos, 23 ans, reconnu coupable d’avoir frappé un policier dans une voiture avant d’en pulvériser le pare-brise arrière à l’aide d’un plot métallique, accusations que lui-même a toujours niées. Depuis des mois, cet étudiant en sociologie, proche de l’extrême-gauche dite "antifa", a fait l’objet de nombreux articles, on a brossé le portrait de ce garçon aux sages lunettes, qui vit encore chez sa mère, on a aussi souligné qu’il descend en droite ligne de l’écrivain Georges Bernanos, son arrière-grand-père, et parmi les commentaires qui ont été faits à ce propos, j’ai été frappé par plus d’un contresens, à commencer par le prétendu paradoxe que certains ont cru pouvoir pointer, en affirmant qu’il était quand même bien étrange de retrouver un Bernanos parmi les anarchistes.

"Quel anarchiste, ce Bernanos, direz-vous !"

A bien y réfléchir, pourtant, si Georges Bernanos fut d'abord , effectivement, un camelot du roi, donc un monarchiste qui a connu la prison après quelques descentes musclées, vous savez qu’il a ensuite rompu avec l’Action française et que, plus tard, révolté par la complaisance de ses anciens compagnons à l’égard des crimes franquistes, il a signé ce magnifique pamphlet antitotalitaire qui s’intitule Les Grands cimetière sous la lune, texte dans lequel il dira tout le dégoût que lui inspirait "les hommes d’ordre" en général et les fascistes en particulier. "Mieux vaut mille fois crever que de vivre dans le monde que vous êtes en train d’aménager", écrivait Bernanos, ce révolté qui avait tout autre chose en tête que de conserver l’ordre existant, et qui alla lui-même jusqu’à se proclamer, nous y voilà, très précisément… anarchiste.

"Quel anarchiste, ce Bernanos, direz-vous !", ironisait-il dans les Grands cimetières, défiant ainsi les tartuffes de la droite réactionnaire qui bénissaient les crimes de Franco et ne toléraient pas que lui les dénonce. C’était en 1938. Une décennie plus tard, Bernanos publiait un livre où il réaffirmait son amour pour l’esprit d’enfance, c’est-à-dire pour un esprit de jeunesse synonyme, sous sa plume, de grâce et d’insoumission. Ce chrétien insurgé, qui faisait de l’espérance un désespoir surmonté, traçait alors les lignes que je voudrais vous citer pour conclure : "J’ai connu le temps où notre position n’était pas si différente de celle des anarchistes. Lorsque la société moderne ne nous traitait pas en ennemis déclarés, elle nous tenait à l’écart, elle s’avouait ainsi responsable de notre impuissance. Son obstruction sournoise et courtoise sera demain mille fois plus à craindre que ses violences". Ce livre, que l’arrière-grand-père d’Antonin Bernanos rédigea sur des cahiers d’écolier, en 1939 et 1940, depuis son exil brésilien, porte un titre magnifique, Les Enfants humiliés.

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